Puisque les vacances d’été s’éloignent, nous avons choisi ce mois-ci de vous parler des colonies de vacances, afin d’avoir un dernier aperçu de l’été.
Le père des colonies de vacances est Hermann Walter Brion, un pasteur suisse. Ému par le sort des enfants défavorisés et en mauvaise santé de Zurich, il décide de leur offrir, grâce à des souscriptions notamment, un séjour au grand air à la montagne.
Très rapidement l’idée d’envoyer les enfants des grandes villes en séjour au grand air se diffuse. Dès 1887, la Revue pédagogique, publication mensuelle française sur l’éducation, présente un article « Instruction pour la formation et la formation des colonies de vacances », dans lequel les colonies de vacances sont présentées comme des « institutions d’hygiène préventive au profit des enfants débiles des écoles primaires, des plus pauvres entre les plus débiles, des plus méritants entre les plus pauvres » (sic) dont l’objet est « une cure d’air aidée par l’exercice naturel en pleine campagne, par la propreté, la bonne nourriture, la gaieté. »
Dans un premier temps, les colonies de vacances ont donc principalement un but sanitaire : les autorités sont poussées à envoyer les enfants à la campagne à cause des mauvaises conditions sanitaires dont les enfants sont les principales victimes, notamment à une époque où la tuberculose fait rage. Il faut que les enfants puissent respirer de l’air pur et prendre du poids. En 1937, une mère de Rueil-Malmaison remercie le maire pour avoir envoyé ses enfants en colonie, ce qui, selon elle, leur a permis de grandir et de prendre du poids.
Les colonies de vacances naissent aussi grâce à l’école, devenue obligatoire en 1882 pour les enfants de 6 à 13 ans. Car, avec l’école, se pose le problème des vacances scolaires pour les classes populaires : que faire des enfants pendant ces longs mois de vacances ? Le but de ces colonies est aussi de faire bénéficier aux plus pauvres des « vacances rurales » que les parents fortunés donnent à leurs enfants, les classes terminées, en les envoyant à la campagne, à la montagne ou à la mer, selon la Revue Pédagogique de 1908.
A Rueil-Malmaison nous retrouvons dans les archives la première trace de colonies de vacances en 1909, avec la fondation, par M. Cuenne, maire de la ville, de l’Œuvre de la colonie scolaire enfantine de Rueil, association autonome subventionnée en partie par la ville.
Les séjours sont stoppés durant toute la durée de la Première Guerre mondiale, de 1914 à 1919, sans que, pour autant, l’association ne disparaisse. C’est en effet au retour de la guerre que les statuts sont votés et en 1920 l’Œuvre de la colonie scolaire enfantine de Rueil est définitivement constituée.
Les enfants sont proposés par les directeurs et directrices des écoles de la commune, ainsi que par des personnes « honorablement connues ». Ces séjours sont payants, mais le prix dépend alors des revenus de la famille. De manière extraordinaire, des enfants peuvent être envoyés gratuitement. Dans les faits, cela arrive assez régulièrement, notamment pour les enfants de chômeurs, les familles nombreuses ou encore les prisonniers de guerre durant la Seconde Guerre mondiale.
Dans la vision sanitaire de l’époque, les enfants doivent subir deux visites médicales obligatoires, dont l’une quelques jours avant le voyage, afin d’être sûr que les enfants ne sont pas porteurs de maladie. Aussi, ils doivent être vaccinés contre la diphtérie et ne pas avoir de poux. Si cette dernière condition n’est pas remplie, les enfants ne peuvent pas partir. Les règles sont assez strictes : les enfants doivent avoir également des coupes de cheveux règlementaires et apporter un nombre précis de chaussures, vêtements…
A la fin des années 1930, bien que la raison sanitaire de ces voyages reste importante, une dimension pédagogique s’y ajoute. Les arguments sanitaires ne suffisent plus et la question de l’encadrement et des activités se pose. Peu à peu, les encadrants ne sont plus des familles nourricières ou des bénévoles, mais des employés qualifiés.
En 1939, la ville de Rueil-Malmaison fonde des colonies scolaires de vacances remplaçant l’Œuvre de la colonie scolaire enfantine de Rueil.
Aux archives, on trouve des affiches de 1929 à 1934 proposant des colonies de vacances aux ruellois. Ces affiches sont le moyen, à l’époque, d’informer les familles de la tenue de ces colonies.
Celle de 1929 propose un séjour de 60 jours à la mer ou à la montagne pour les enfants de 7 à 13 ans pour la somme de 360 F, prix dépendant des revenus des parents.
De 1930 à 1934, les affiches sont identiques et proposent des séjours de 60 jours à la mer ou à la montagne, pour 70 enfants de la commune, de 6 à 12 ans. Les prix sont de 400 F pour les séjours à la montagne, 450 pour ceux à la mer et sont toujours basés sur les revenus des parents.
En 1937, un rapport nous permet d’apprendre que cette année-là, 56 enfants sont partis en colonies, 17 en Bretagne, 39 dans l’Avallonnais. Il est surtout intéressant de noter l’intérêt tout particulier qui est porté à la prise de poids des enfants.
L’affiche de 1938 propose un séjour avec un placement en famille. Enfin, celle de 1939 laisse le choix et propose un placement en famille ou en placement collectif et ajoute que les enfants doivent se soumettre à deux visites médicales.
En 1939, c’est un séjour un peu spécial qui se déroule. Le séjour est prévu du 12 août au 17 septembre 1939. Le 1er septembre, l’Allemagne envahit la Pologne : la guerre est déclarée. Et, alors que l’on imagine que les parents, inquiets, cherchent à récupérer leurs enfants, c’est tout l’inverse qui se déroule. Dans une lettre envoyée au maire, on apprend alors que les parents prennent très peu de nouvelles de leurs enfants. En effet, on peut lire dans cette lettre, datée du 18 septembre 1939 :
« Un trop grand nombre de parents semblent se désintéresser du sort de leurs enfants dès l’instant qu’ils sont confiés à l’œuvre des Colonies de Vacances. »
Et pour les familles nourricières, la situation devient compliquée : bien souvent, les hommes sont mobilisés. On peut aussi lire dans cette lettre :
« La situation des parents nourriciers s’est considérablement modifiée depuis la Mobilisation générale. Le mari est parti aux armées. La femme reste seule ou elle recueille des parents venus se réfugier. »
Il est alors difficile pour les femmes qui restent de s’occuper à la fois de leur foyer et des enfants qu’elles ont à leur charge, mais aussi de fournir assez de nourriture.
Alors que les colonies de vacances ont été interrompues pendant la Première Guerre mondiale, elles continuent lors de la Seconde, de 1939 à 1945.
En 1942 et 1943, les petits colons rueillois partent ainsi à Gambais en Seine-et-Oise (actuelle département des Yvelines), à une cinquantaine de kilomètres de Rueil-Malmaison. Pour la somme de 30 000 francs le maire loue pour une durée de deux mois le château de Neuville au Marquis de Labriffe.
Il est également intéressant de noter que la municipalité prend d’autant plus à cœur de faire partir les enfants en colonies ces années-là, notamment en 1944, afin de les mettre en sécurité. En effet, Rueil étant proche de Paris, la municipalité craint des bombardements.
A partir de 1945, des colonies de vacances sont proposées en Allemagne, en particulier dans la Forêt Noire, à quelques kilomètres de Baden-Baden. Bien que cela puisse paraître surprenant d’envoyer des enfants en colonie en Allemagne juste après la fin de la guerre, Baden-Baden est en réalité une ville épargnée par les bombardements alliés. Elle devient le quartier général des Forces Françaises en Allemagne. La ville accueille alors environ 5000 Français, notamment des militaires et leurs familles. Ce sont d’ailleurs ces militaires qui accueillent les colons rueillois en 1945.
M. Caron raconte dans une lettre au maire leur arrivée sur place.
Cette expérience est renouvelée, puisqu’en 1946 et 1947 des enfants rueillois sont de nouveaux envoyés en colonie dans la Forêt Noire, comme en témoigne ce rapport de 1947.
Dans les années qui suivent, les colonies de vacances continuent et Rueil ouvre un camp de vacances à Pornichet, en Loire-Atlantique, qui sert également pour les classes de mer. Les colonies de vacances connaissent leur âge d’or dans les années 1960. En effet, en 1955, 1 million d’enfants de France partent en colonie contre 4 millions au début des années 1960. Puis, avec le temps, les colonies perdent peu à peu de leur attrait et le nombre de colons diminue progressivement, pour atteindre en 2017-2018 un peu plus d’1,2 millions. L’aspect sanitaire disparaît également totalement pour laisser place à une dimension pédagogique et éducative.
Par Daphné DEROUET, Archiviste
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