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LES CRUES DE LA SEINE

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DES CRUES HISTORIQUES

De par son emplacement, Rueil-Malmaison a souvent souffert des débordements les plus importants du fleuve. On appelle ces inondations les « crues centennales », exceptionnelles, ayant lieu tous les siècles en moyenne. Il s'agit en général de crues inévitables et dévastatrices. Elles se distinguent par leur hauteur, mais également leur durée : elles s'étendent sur plusieurs semaines, elles montent rapidement (50 cm / jour) et redescendent à un rythme plus lent, notamment dans les zones en cuvette où elles peuvent stagner.

La pire inondation qu’ait connu Paris et l’Île-de-France est celle de mars 1658. Elle a eu lieu après des chutes de neige importantes, des pluies et des gelées qui s’étaient succédées jusqu’à la mi-février. Un brusque réchauffement de la température a provoqué un dégel soudain, les glaces se sont mises à fondre causant une crue. Le point haut a été de 8,96 m à l'endroit du futur pont d'Austerlitz. Les archives communales n'ont pas de sources attestant de cette inondation de 1658. Plus tard, l’inondation de 1872 est documentée par plusieurs gravures du célèbre Dr Launay, chirurgien de profession, citoyen Rueillois, particulièrement actif durant la guerre de 1870.

1910, LA CRUE DU SIÈCLE

La crue la plus marquante reste bien évidemment celle de 1910. L’origine de la crue remonte à l’automne 1909 : les mois de septembre, d'octobre et de décembre sont deux fois plus pluvieux et neigeux que les normales saisonnières sur tout le bassin versant de la Seine. Les sols sont saturés d’eau. Début puis mi-janvier 1910, les pluies reprennent. Quatre jours de fortes précipitations dans l’Yonne, mais aussi dans la Marne à Charenton, du 18 au 21 janvier, font alors fortement monter le niveau de la Seine.

La commune de Rueil (tout comme celle de Nanterre) est touchée par une submersion directe, elle n’est pas protégée par une digue. Fin janvier, l'eau envahit toute la partie Nord de la ville allant jusqu’à la plaine et l’avenue de Paris (avenue Paul Doumer, Napoléon Bonaparte), car les eaux refoulent par les égouts. La Seine n’a pas débordé instantanément mais petit à petit pendant une dizaine de jours. Rueil est à cette époque une ville de plus de 10 000 habitants dont la plupart sont maraîchers ou blanchisseurs. Les habitations, commerces et rares industries sont concentrées en centre-ville, quelques maisons sont construites le long de l'avenue qui mène au chemin de fer reliant Paris à Saint-Germain, mais ce quartier est à l'époque peu urbanisé.

L'eau n'est donc pas retenue par des habitations et n'épargne aucun quartier. On la retrouve dans le centre-ville, jusqu'à la place Osiris, aux abords du château de la Malmaison et même aux pieds de la Jonchère. Cette inondation anéantit totalement l'industrie rueilloise, située majoritairement dans le quartier des Trianons, sur les quais de la Seine et dans la plaine vers Nanterre.

 

Les photos d'époque témoignent du spectacle insolite de rues rueilloises inondées parcourues par des barques, de pontons de fortune aménagés au pied d'immeubles ou d'hommes et de femmes se déplaçant à la rame.

 

Au plus fort de la crue, l'eau atteint la hauteur de 10 mètres par endroit. Des barques évacuent la population et acheminent secours et denrées de première nécessité. Les soldats du 70e régiment de ligne, en garnison à la Caserne des Suisses, aident aux sauvetages. Pendant ces quelques jours de crue la vie s’arrête. La ville est plongée dans l’obscurité et est privée d’eau potable et de réseau de transport. Les sinistrés, sans ressources du jour au lendemain (on dénombre 150 familles), sont disséminés dans des maisons d’œuvres, principalement l'ancienne garderie rue de Suresnes (rue de la Libération actuelle), ou dans l'école ménagère de la rue Christine généreusement mis à disposition par M.et Mme Tuck. Cette dernière dispose de 40 lits.

En février est formée une Commission de Salubrité par la Mairie : elle fait creuser des tranchées dans différentes rues afin de créer des digues laissant l'eau s''écouler. Mais l'énorme charge d'eau contenue entraîne l’écroulement du mur d'une propriété de la rue Michelet. Les évacuations cessent immédiatement et un énorme lac se forme dans la Plaine. Des voix s’élèvent contre le maire, Auguste Cuenne. Le journal Le Réveil Rueillois (organe des Intérêts commerciaux, industriels et agricoles du canton de Marly) titre le 15 février 1910 : « Un maire incapable, vaniteux et insolent ».

La Seine met 35 jours à décroître, laissant derrière elle un profond traumatisme et d’énormes répercussions économiques. La décrue s’amorce début mars et cette dernière laisse des habitations polluées par les eaux salies. On conseille d'utiliser de la chaux vive pour combattre l'humidité et les miasmes et de faire brûler une botte de paille humide dans les caves et sous-sols.

 

On compte au final 471 maisons sinistrées. Beaucoup d'ouvriers sont réduits au chômage. La Société Industrielle de photographie Belin, par exemple, est totalement sous l'eau et à l'arrêt tout le temps de l’inondation.

Les dégâts sont estimés pour la ville à plus de 450 000 Francs de l'époque, ce qui donne lieu à une souscription communale lancée par le maire. Aux 56 000 F rueillois s'ajoutent les 66 000 F de l’État. M. Poulard, Président du Syndicat des Maîtres Blanchisseurs, parcourt toutes les blanchisseries et recueille plus de 400 francs de souscription parmi les ouvriers et ouvrières. La paroisse, à travers l'abbé Faivre, lance, elle aussi, une souscription en faveur des inondés. Les rueillois se sont pressés à l’église, au presbytère, à la Mairie pour apporter leur obole, dons en espèce, provisions, vêtements, couvertures, linge de corps, d’autres offrent des chambres.

 

Enfin, la Mairie instaure des Commissions de dédommagement. Celles-ci reçoivent et examinent toutes les demandes de ceux qui ont éprouvé des « pertes mobilières ou immobilières » ou qui ont été victimes « du chômage ».

Au total, 20.000 immeubles sont inondés dans la capitale, 30.000 maisons touchées en banlieue, 150.000 sinistrés. Les inondations de janvier 1910, qui ont duré presque deux mois (18 janvier- 8 mars) font figure de catastrophe naturelle majeure pour Paris et sa région.

AU XXE SIECLE

Au XXe siècle, la Seine revient tracasser les Rueillois 8 fois. En 1920, les eaux montent jusqu'à 9 mètres. Les habitants du quartier de la gare font parvenir une lettre au Maire de Rueil afin que des mesures soient prises pour endiguer ces phénomènes de crues. Ces derniers se rassemblent en associations : le « Comité du groupe de défense des intérêts du quartier de la Gare ».

 

Neige, redoux brutal suivi de pluies abondantes provoquent un nouveau débordement des cours d'eaux en janvier 1955. La crue atteint son pic le 23 janvier avec 7,12 mètres au pont d'Austerlitz, elle atteint 9,23m à Rueil-Malmaison. A cette occasion, Henri Gicquel, le propriétaire du célèbre restaurant et batelier, le premier touché par ces inondations, prodigue des conseils pour essayer d’y remédier. Il y écrit que les habitants des quartiers de la Gare, Martinets et Trianons devraient se doter d'un petit bateau « assez étroit pour passer les portes mais pourtant suffisamment stable pour ne présenter aucun danger à l'usage », pour que chacun puisse relier son habitation à la passerelle publique. Dans la même note, il met en lumière la bonne réactivité de la municipalité en place : « Enfin, je ne voudrais pas terminer cet exposé sans parler des Services de la ville qui ont fonctionné pendant les quelques jours qu'a duré la crue. Le dévouement d'une partie du personnel de la mairie qui assura une permanence afin de diriger les secours sur les points les plus menacés, ainsi que la conduite des pompiers, des ouvriers de la voirie (…) furent au-dessus de tout éloge ». Il reconnaît « surtout au moment de ces derniers éventements, que grâce à la prévoyante sagesse d'un Conseil Municipal qui fit construire à la suite des inondations de 1945, une série de 10 forts bateaux en taule et préparer plus de 2500 m de passerelles avec tréteaux, les inondés des quartiers Nord n'eurent pas à connaître des événements vraiment dramatiques qui endeuillèrent certaines communes ».

C'est dans les années 1950 que l'on commence à réfléchir au contrôle des crues. Plusieurs rapports sont commandés par la Mairie et des travaux sont réalisés : réaménagement de ponts, travaux sur les voies navigables et surtout constructions de bassins-réservoirs pour retenir de grandes quantités d'eau en cas de crue.

 

POUR ALLER PLUS LOIN

  • Collectif, Promenade historique dans les rues de Rueil, Société Historique de Rueil-Malmaison, Rueil-Malmaison, Broché, 2006.
  • Collectif, Cent ans de vie à Rueil, Société Historique de Rueil-Malmaison, Rueil-Malmaison, 2011 (page 24)
  • Kalenichenko Liliane, « L'Histoire des bords de Seine », in Bulletin de la Société Historique de Rueil-Malmaison numéro 9, Rueil-Malmaison, SHRM
  • Pawlowski, Auguste, Radoux, Albert, Les crues de la Seine (VIe-XXe siècle) : causes, mécanisme, histoire, dangers, Paris, Berger-Levrault, 1910
  • http://archives.hauts-de-seine.fr/histoire-locale/histoire-du-territoire/evenements/la-crue-de-la-seine-en-1910/

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